Un livre, quels enseignements ? : « Une si longue lettre » de Mariama Bâ

Certains livres vous laissent sans voix tant la beauté des mots, l’authenticité des personnages, la pureté de leurs sentiments et de leurs expériences de vie vous touchent. « Une si longue lettre » de Mariama Bâ est un livre qui résonna fort en moi. L’autrice sénégalaise illustre le parcours des deux meilleures amies protagonistes au sein de son pays. Il s’agit de parcours qui me sont particulièrement familier dans les faits, de trajectoire de vie dont j’ai été témoin de maints fois.

Toutefois, la lecture de ces fragments de vie a été une révélation, car bien que consciente des faits, des injustices quotidiennes et banalisés que mes parentes ont connues. Ce livre explore avec humanisme l’intériorité des personnages, leurs histoires personnelles et leurs philosophies.

                                                                                                //  De quoi parle-t-on ? //

 « Une si longue lettre » est un roman épistolaire considéré comme étant une œuvre majeure pour ce qu’elle dit de la condition des femmes. Mariama Bâ décrit deux parcours de femmes qui ont soufferts des carcans culturels et religieux.

Dans ce roman, Ramatoulaye, s’adresse à sa meilleure amie, Aïssatou. Elle y évoque les souvenirs d’étudiantes impatientes de changer le monde, l’espoir suscité par l’Indépendance. Mais à travers leurs expériences respectives, elle évoque également le poids des traditions à l’égard des femmes, le manque de droit des femmes, la polygamie, le poids de la belle-famille ou encore l’éducation.

Ramatoulaye analyse sa douleur lorsque, après 25 ans de mariage, son époux prit une seconde épouse, une copine de leurs filles, plus jeune, l’abandonnant ainsi que ses enfants. Elle s’adresse à Aïssatou qui, elle, a fait le choix de divorcer et de partir vivre aux Etats-Unis s’affranchissant du poids des traditions et de la polygamie lorsque son mari épousa une deuxième femme pour des questions de caste encouragé par sa belle-mère.

                                                               // Quels sont les deux principaux enseignements que j’ai pu en retirer? //

 

 1. L’effet durable et l’émancipation difficile du poids des traditions

Ce livre met en lumière le pouvoir du poids des traditions. Celles-ci semblent avoir une influence durable sur les héroïnes malgré une prise de conscience des injustices qu’elles impliquent. Elles recherchent leurs libertés, leurs émancipations au sein de celles-ci.

Lorsque, Ramatoulaye divorça , elle repris ses études universitaires, obtenue une bourse pour aller étudier aux Etats-Unis ou elle resta puis y travailla. Cette distance avec sa terre lui donna l’opportunité de refaire sa vie, de se reconstruire sereinement, de retrouver son bonheur.

  “Tu t’assignas un but difficile ; et plus que ma présence, mes encouragements, les livres te sauvèrent “

Ramatoulaye, de son coté, refusant de partir comme lui conseilla son entourage particulièrement ses enfants,  se soumet à ses devoirs culturels et religieux, par pragmatisme et crainte.

« Partir ? Recommencer à zéro, après avoir vécu vingt-cinq ans avec un homme, après avoir mis au monde douze enfants ? Avais-je la force pour supporter le poids de cette responsabilité à la fois morale et matérielle ? »

 Toutefois, ce personnage acquis également une certaine forme de liberté en refusant les nombreuses propositions de mariage après le décès de son mari, en refusant de se remarier avec un homme déjà marier ou pour des raisons purement matérielles. Malgré, son veuvage, son âge et ses enfants, elle souhaite refaire sa vie mais dans des conditions qu’elle juge digne.

« La femme ne doit pas être l’accessoire qui orne, l’objet que l’on déplace, la compagne que l’on flatte mais la racine fondamentale d’une nation ».

C’est seulement à travers l’éducation, la poursuite de ses études, pour Aïssatou, la réaffirmation de soi, l’exigence quant à sa vie amoureuse, pour Ramatoulaye, qu’une voix vers l’émancipation semble envisageable.

2. L’amitié qui participe  au processus de guérison

« L’amitié a des grandeurs inconnues de l’amour. Elle se fortifie dans les difficultés alors que les contraintes massacrent l’amour. Elle résiste au temps qui lasse et désunit les couples. Elle a des élévations inconnues de l’amour. »

Ce n’est pas l’amour et les soucis de couple, mais, les liens d’amitié qui constitue le fil conducteur du roman épistolaire. Le soutien inconditionnel entre ces deux amis, les confidences sincères, le respect mutuel, l’écoute et l’entraide continue est la ressource principale permettant aux héroïnes de continuer et surtout de prospérer.

Ces liens n’ont comme seul objectif, l’avancement, le progrès, le partage. C’est la relation forte et privilégiée qui unie les deux  amies qui leur permet de guérir de leurs maux respectifs, de retrouver leur bonheur, la paix.

Citations 

« Docteurs, prenez garde, surtout si vous n’êtes point neurologues ou psychiatres. Souvent, les maux dont on vous parle prennent racine dans la tourmente morale. Ce sont les brimades subies et les perpétuelles contradictions qui s’accumulent quelque part dans le corps et l’étouffent. »


« Instruments des uns, appâts pour d’autres, respectées ou méprisées, souvent muselées, toutes les femmes ont presque le même destin que des religions ou des législations abusives ont cimenté »


 « J’essaie de cerner mes fautes dans l’échec de mon mariage. J’ai donné sans compter, donné plus que je n’ai reçu. Je suis de celles qui ne peuvent se réaliser que dans le couple. Je n’ai jamais conçu le bonheur hors du couple, tout en te comprenant, tout en respectant le choix des femmes libres »

Enregistrer

 

Enregistrer

 

Enregistrer