Les diasporas africaines au Brésil et en Colombie à travers le regard de Leslinha Luberto

Depuis que j’ai appris le portugais du Brésil et comme je parle espagnol, j’ai ce désir d’en apprendre davantage sur l’Amérique latine mais avant tout sur ces peuples, ces cultures et ces histoires méconnues et sous représentées dans l’imaginaire occidental : les peuples indigènes et africains. L’envie d’élargir mon champ de vision, d’en apprendre davantage sur leurs héritages à travers leur dire et non ceux d’un documentariste étranger grandit continuellement en moi.

C’est donc naturellement que l’algorithme de YouTube me proposa des vidéos de la créatrice de contenu Leslinha Luberto au sein duquel elle partage ses voyages, aventures et expériences dans différents pays dont beaucoup au Brésil et en Colombie. Elle explore notamment les récits de la diaspora africaine dans ces pays mais aussi des peuples autochtones ou encore de la diaspora japonaise.

Lors de notre discussion, on s’est intéressé à toutes ses inspirations, leçons tirées, prises de conscience lors de ses voyages à la découverte de ces peuples combatifs et dignes, ces peuples de résistance.

Leslinha Luberto et l’histoire des diasporas africaines

Au Quilombo de Sacopã © Leslinha Luberto

Je crée du contenu pour les réseaux sociaux au sein duquel je partage mes expériences de voyages et je développe des mini-reportages là où je vais.  J’ai également développé un site internet au sein duquel je propose du coaching et des masterclass.

Je suis née et j’ai grandi dans une culture ivoirienne, ma mère est ivoirienne par sa mère et brésilienne par son père. Luberto c’est le nom de famille de ma mère, elle porte un nom dont je ne connaissais pas l’histoire. C’était donc premièrement important d’en apprendre davantage sur mon histoire personnelle et mon héritage. A 18 ans, j’ai décidé d’aller seule au Brésil pour chercher le côté brésilien et rencontrer ma famille que je ne connaissais pas.

L’histoire et la culture des diasporas africaines au Brésil fait partie de mon histoire et à travers mes recherches je me suis intéressée plus globalement aux diasporas africaines en Amérique Latine particulièrement en Colombie. J’ai découvert Carthagène des Indes en regardant un documentaire qui m’a donnant envie d’aller plus loin. C’est comme ça que j’ai découvert San Basilio de Palenque et la région de Choco de la côte pacifique en Colombie.

Ces thématiques me passionnent tout simplement, je pense que c’est très intéressant de rencontrer tous ces peuples, c’est comme si je voyais et retrouvais mes peuples, mon histoire et ma culture ailleurs. De plus, beaucoup de peuples afro-américains sont méconnus et oubliés par les diasporas francophones.

Le Quilombo de Sacopã à Rio de janeiro au Brésil et le village de San Basilio de Palenque à Bolivar en Colombie

Au Brésil, plus particulièrement à Rio de janeiro, j’ai pu visiter le Quilombo de Sacopã et je souhaite visiter une prochaine fois le Quilombo dos Palmares qui est le plus important. Il y a deux types de quilombo, les quilombos qui se sont construits pendant l’esclavage et ceux qui se sont construit à l’abolition. Je suis partie visiter un quilombo construit à l’abolition, il s’agit d’un quilombo de lignées familiales qui habitent encore sur ces terres.

A PARTE

Les Quilombos étaient traditionnellement des communautés formées principalement, mais pas seulement, par des hommes et des femmes esclavagisés en fuite. Ils possédaient des structures économiques et sociales communautaires.

Au fil du temps, le terme quilombo a acquis d’autres significations. Aujourd’hui, il désigne avant tout des espaces de solidarité qui souhaitent préserver leur territoire, consolidant une histoire de résistance et d’autonomie ancestrale, garantissant le droit de propriété et brisant le cycle de la ségrégation spatiale.

Le quilombo de Sacopã possède 18 000 m² de forêt et est situé au milieu de l’un des quartiers les plus aisés de la ville de Rio de Janeiro, il s’agit d’un lieu qui servait de refuge aux femmes et hommes esclavagisées. Situé sur les rives de Lagoa Rodrigo de Freitas, dans la zone sud de la ville de Rio de Janeiro, le Quilombo Sacopã est occupé par la famille Pinto depuis 105 ans qui préserve son histoire, sa tradition et sa culture.

San Basilio de Palenque © Leslinha Luberto

A la fin de l’esclavage leur maitre leur a chassé, ainsi ils ont pris des terres et construit des maisons par leur propre moyens. A ce jour, leurs situations restent compliquées, les autorités souhaitent les chasser et détruire leur patrimoine familial et culturel pour construire des appartements de luxe. Ils vont régulièrement devant la justice pour revendiquer leur droit d’exister.

L’histoire du peuple de San Basilio de Palenque est une histoire inspirante, c’est un peuple qui continu de se battre, ils ont conservé leurs propres histoires et valeurs qu’ils ont su transmettre de génération en génération. La transmission occupe une place centrale dans leur histoire, je pense que c’est un modèle pour les diasporas.

Je souhaiterais retourner sur le continent pour mieux connaitre nos ancêtres, nos histoires, c’est essentiel. Pour ce qui est de l’histoire je préfère ne pas m’informer sur internet mais aller dans la mesure du possible à la rencontre des personnes concernées car comme on le sait l’histoire a été écrite par les vainqueurs.

Cette démarche est vraiment importante, j’ai eu l’occasion de faire un tour guidé à Rio de Janeiro sur l’histoire des afro-brésiliens qui se nomme Pequena Africa et c’est une expérience que je conseille. La fondatrice et guide dédie sa vie au travail de mémoire. J’ai découvert des endroits et faits qu’on ne nous montre pas sur le Brésil, elle fait un travail de fou ! Grâce à elle j’ai une autre vision de l’histoire.

Des peuples de résistance 

S’il y a bien un point commun entre les deux peuples qui m’a particulièrement inspiré c’est que ce sont des communautés de résistance. Ce sont des peuples qui entretiennent leurs cultures, leurs valeurs et c’est là où réside toute leur force car ils savent exactement qui ils sont et sont fiers de leur héritage. Ces sont des peuples communautaires qui transmettent leurs histoires personnels et collectives de génération en génération et je pense que c’est un modèle pour les peuples de la diaspora.

Transmission et empowerment

De manière général, ces expériences m’ont ouvert l’esprit, à Paris tu es très centré sur ta personne car on vit dans une société individualiste. Ça m’a ouvert l’esprit sur les peuples africains issus de la traite négrière, sur comment ils se sont développé et adapté avec le temps. Ça m’a permis de voir l’Afrique d’une manière différente.

Il y a beaucoup de résistance au Brésil, beaucoup d’afro-brésilien qui se revendique africain et ça c’est une résistance en soi. Le Brésil est un pays africain mais quand tu as grandi dans une société américaine, raciste et coloriste, plus tu es Noir, plus c’est compliqué, plus la vie est difficile.

©Melissa Koby

J’en ai rencontré beaucoup qui m’ont dit que leur rêve ce n’est pas d’aller en Europe ou aux Etats-Unis mais en Afrique car même s’ils sont chez eux au Brésil, ils n’ont pas leur place. Bien sûr, ils peuvent se confronter à des difficultés là-bas car ils ne connaissent pas le continent africain ça reste le rêve de beaucoup.

J’ai eu l’occasion de visiter un entrepreneur qui possède un espace riche empreint de la culture afro-brésilienne. Il sert tous les jours différents plats afro-brésiliens, propose des cours de danse de samba, il promeut le travail des petits créateurs et entrepreneurs Noirs. Il organise des réunions pour parler de leurs vécus et problématiques en tant que Noir. Il y a des africains du continent qui ont immigrés au Brésil qui y participent également. Ils font beaucoup de choses ensemble et sont très soudés.

Ça m’a davantage sensibilisé sur l’importance de la solidarité et ça m’a obligé à me demander : comment est-ce que je peux être davantage solidaire ? A Rio, les Noirs sont très solidaires. Une solidarité tu as peur (Rires) ! Au début de l’année le chef d’entreprise dont je t’ai parlé s’était fait bruler son restaurant et ses locaux par des blancs qui affirmaient que son projet était raciste parce que c’est un projet communautaire. On lui a donné l’idée d’ouvrir une cagnotte et en peu de temps il a pu récolter la somme nécessaire pour mener a bien son projet. Ça m’a sensibilisé l’importance de l’empowerment et de la solidarité par nous, pour nous à travers la valorisation de nos héritages, nos cultures et notre économie.

Un dernier mot ?

Voyager et essayer de parler, échanger, interagir, aller à la rencontre des gens qui vous entourent un maximum !

L’image d’en-tête représente des palenqueras qui vendent des fruits dans la rue à Carthagène des Indes à Bolivar en Colombie

 

Enregistrer

 

Enregistrer